• M. Védrine a publié dans le Nouvel Observateur une tribune anti "européistes" qui éclaire bien la pensée des dirigeants actuels et qui explique tout aussi bien pourquoi on n'aura probablement jamais d'Europe politique au sens strict....

    Le seul point que je partage et salue est la reconnaissance que l'initiative européenne doit plus à la volonté des américains de ne plus avoir à se battre en Europe qu'à un rêve de surhommes français et/ou allemands. Je sais que je simplifie et que la réflexion de Monnet était sincère et généreuse mais les européens ont surtout dû s'engager à ne plus se faire la guerre pour que les dollars du plan Marshall viennent reconstruire les destructions de la seconde guerre mondiale.

    Puis M. Védrine fait l'erreur habituelle de celui qui veut faire une analyse qui colle à son idée. L'Europe ne serait pas la Paix parce " Il n’y a jamais eu, depuis l’après-guerre, le moindre risque de guerre entre Européens de l’ouest, dans la même alliance militaire depuis 1949, et tous guéris du nationalisme et préoccupés de reconstruction économique.". Facile d'écrire ça en 2014, qui peut savoir ce qu'il en aurait été sans la CECA et ce qui a suivi, y compris la création d'un droit européen supranational. Peut-être M. Védrine a t-il raison, mais cette période de paix en Europe (malgré la guerre à nos frontières) est exceptionnelle dans l'Histoire.

    Proposition de M. Védrine, "D’abord, que le Conseil européen décrète une pause – à l’exception de l’harmonisation dans la zone euro – qui s’imposerait à la Commission, au Parlement et à la Cour de justice pour que les peuples comprennent qu’il n’y a plus de téléologie, de processus aveugle et inarrêtable qui vampirise identités et souveraineté.

    Pas de nouveau traité. Plus d’abandon de souveraineté, mais exercice en commun, et qu’on cesse d’exiger à tout propos « plus d’Europe » (perçu comme moins de France, etc.), une « Union sans cesse plus étroite », « plus d’intégration » (comme si ce terme était attractif), d’invoquer des slogans fumeux comme les « Etats-Unis d’Europe » (les deux processus historiques n’ont rien à voir).

    Qu’un coup d’arrêt soit donné au nivellement intrusif des modes de vie sous prétexte des exigences de la concurrence aveuglement interprétées, que les demandes de directives émanent des institutions communautaires… ou de certains Etats-membres eux-mêmes (la concurrence, au cœur du conflit droit/démocratie).

    Une pause de l’élargissement serait annoncée pour dix ans (et le poste de commissaire laissé vacant pendant ce temps-là). Il s’agirait d’un véritable compromis historique entre les élites européennes ou européistes et les populations."

    D'une part, on est dans le discours habituel des politiques "on a fait le contraire pendant 20 ans mais là, on va arrêter". C'est certainement l'élargissement de 2004 qui a coûté à l'Europe, sa petite possibilité de devenir un vrai ensemble politique, uni, cohérent et pouvant évoluer tranquillement vers une union plus étroite.

    D'autre part, le seul domaine que préserve M. Védrine est "l'harmonisation de la zone euro", autrement dit la finance et ses corollaires hélas trop bien connus, la rigueur et la soumission du politique à l'économico-financier. Bref ce que les citoyens rejettent en grande majorité! 

    Enfin, M. Védrine, que certains profileraient bien à la tête de la Commission, s'inscrit dans ce discours suicidaire du respect des peurs, des préjugés, des égoïsmes et finalement oublie que le rôle d'un politique n'est pas seulement de prendre la température des peuples mais plutôt de les conduire vers un avenir meilleur et de leur donner les moyens de faire évoluer leurs mentalités. Il faut du courage bien sûr et oser, mais un proverbe dit "Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'on ne le fait pas, c'est parce qu'on ne le fait pas que ça reste difficile" et j'ajouterais de plus en plus difficile tant les caricatures sur Bruxelles, les renoncements, les mensonges de journalistes éloignent sans cesse davantage les citoyens des Institutions européennes.

    Et là aussi M.Védrine n'innove pas, son discours sanctifie le leadership du Conseil européen sans expliquer qu'il représente justement l'opposé des visions collégiales de la Commission et à un degré moindre du Parlement européen, ces deux Institutions étant sensées représenter l'intérêt général de l'Union et des citoyens.

    Le reste de son intervention est sans grand intérêt, surtout le couplet sur le grand Traité transatlantique! (seul Traité qui échappe à la pause de M. Védrine soit dit en passant)

    Bref, non seulement je ne suis pas convaincu mais en plus je pense que M. Védrine se trompe totalement.

    L'Europe devait s'engager sur la voie d'une Europe fédérale, tranquille, parlant d'une seule voix au niveau mondial (pas la construction boiteuse actuelle), assurant la diffusion d'une culture européenne (pas d'un "nivellement intrusif des modes vie" comme c'est d'ailleurs le cas actuellement avec le déferlement de la sous-culture américaine), d'une Histoire européenne et jetant les bases d'une société humaniste, généreuse, pacifique qui aurait pu influencer (créer) le "nouvel ordre mondial" sans missiles, ingérence militaire et annexions directs ou indirectes.

    Est-ce encore possible? Difficile en tout cas et comme dit plus haut, cela exigera de plus en plus de courage et de plus en plus d'efforts, choses que des politiciens agissant (ou non) avec les yeux sur les sondages ne sont certainement pas en état d'affronter.

    Mais nous nous sommes en droit de l'exiger, par nos votes, si au lieu d'aller à la pêche, on se mobilise enfin!

     


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  • On dit souvent que dans une Union européenne sans frontières internes, les régions vont devenir des pôles économiques de la plus haute importance, voire!

    Déjà, il faudrait que ces pôles économiques soient dotés de véritables capacités politiques de décision comme ce pourrait être le cas dans une Europe politique de type fédérale mais en l'occurence on en est loin puisqu'au contraire les Etats membres n'ont de cesse de conserver  jalousement leurs prérogatives de souveraineté nationale.

    Dans ce contexte, beaucoup s'interrogent sur le bien fondé et surtout sur le timing et l'empressement avec lesquels M. Hollande avance son projet de redécoupage des régions françaises.

    Le projet (site de l'Elysée)

     

     

     

     

     

     

     

    Un tel changement demande sans aucun doute davantage de précautions et les premières réactions ne se sont pas fait attendre.

    Il y a des régions avec "une histoire et une identité très marquées" qui peuvent s'estimer satisfaites, la Bretagne  a pu rester une presqu'ile et la Normandie sort du projet, "réunifiée". Mais la Bourgogne ou la Franche comté n'ont pas eu droit au même respect pour leur passé, la Lorraine non plus.

    Il y a surtout des régions qui ne ressemblent plus à rien, si on prend en considération l'intérêt économique et politique de préserver un ensemble cohérent tant géographiquement que culturellement. Là, la réforme envisagée va créer quelques problèmes. Qui peut soutenir qu'une région unissant La Rochelle à Chartres a un sens, tout comme celle regroupant l'Allier, le Cantal et la Savoie! Et ne  parlons pas des rivalités (pour rester modéré) par exemple entre la Lorraine et l'Alsace qui seront appelées à cohabiter (dites moi où, à Nancy? Metz? Strasbourg?)....

    On peut donc sérieusement mettre en doute, l'intérêt économique de l'opération envisagée et alors d'autres motifs presque mesquins apparaissent. Espérons qu'ils ne soient pas finalement la vraie cause de ce séisme parce que sinon, ce serait vraiment grotesque. Les élections successives ayant signifié à M. Hollande que le soutien des Français envers sa politique était plutôt mince, pour éviter une perte visible de plusieurs régions, la gauche en gouverne actuellement 21 sur 22, réduire le nombre à 14 serait une bonne idée.

    Ce n'est tout simplement pas possible de lancer une telle réforme sur une base aussi mince et aussi futile. Car au delà des passés et de la cohésion, le redécoupage va avoir d'autres conséquences sociales et économiques, en particulier une migration "naturelle" de certaines activités, appauvrissant ici pour enrichir là.

    En effet, les nouveaux équilibres provoqueront inévitablement des délocalisations en faveur des "nouveaux" centres de gravité économiques de ces nouvelles régions.

    Bref, si M. Hollande veut "rationnaliser" l'organisation administrative de la France, qu'il commence par le bas au lieu du haut, la suppression des cantons, voire des départements serait déjà des étapes importantes qui pousserait le pays vers une modernisation utile, le projet actuel ne peut que causer des divisions supplémentaires, des couts inutiles et va avoir des conséquences sociales difficilement évaluables.

    Moi Président de la République, je ne le ferais pas!


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