• Dans un de ces clins d'oeil que l'Histoire nous fait parfois, le plus souvent pour mettre en lumière, nos propres incohérences et nos propres limites, le fait de trouver au coeur de l'actualité les péripéties d'un "humoriste" dénommé Dieudonné régulièrement critiqué ou poursuivi pour antisémitisme et à qui on reproche aussi une proximité avec l'extrêmisme musulman et l'extrême droite française est, je dois le dire, un raccourci saisissant de l'état de délabrement intellectuel de notre société et de la réalité des tensions religieuses comme vecteurs de la plupart des conflits en cours dans le monde.

    Pour moi qui suis athée, je ne peux trouver plus évidente preuve de l'incohérence religieuse que le fait de voir se déchirer depuis des siècles, au nom de la "vraie foi" ou au nom de la "vérité", trois religions cousines pour ne pas dire soeurs, partageant (si on peut dire) les mêmes lieux saints, pratiquement la même histoire et le même dieu d'amour et de miséricorde.

    Qu'en France, au 21ème siècle, ces thèmes puissent encore se trouver à la base d'agressions verbales, de positionnements politiques ou d'interventions de la Justice, montre bien que les Lumières se sont éteintes depuis longtemps et que l'obscurantisme envahit progressivement le pays de la laïcité.

    Alors abandonnons Dieudonné (reprendre c'est volé) à ses démons et parlons un peu sérieusement.

    La France est un état laïc et il appartient donc à la puissance publique d'assurer avec impartialité le respect de la pratique des cultes et de l'ordre public. Depuis la Révolution (et malgré un petit rétablissement pendant la Restauration), la notion de blasphème est supprimée. Pourquoi a t-il fallu créer le délit de négationnisme? parce que certains n'ont pas hésité à utiliser l'infamie suprême qu'a été l'holocauste pour souffler sur les braises de l'antisémitisme véhiculé par des siècles de domination chrétienne sur l'Europe. Vous vous souvenez le débat sur l'inscription dans la Constitution européenne de l'héritage chrétien? Et bien, l'antisémitisme, les bûchers, l'Inquisition et autres barbaries auraient trouvé là un écrin douillet.

    Donc oui l'antisémitisme est un fléau, comme l'est l'aveuglement antimusulman ou l'extrêmisme catholique. C'est, d'une part, l'éducation et notamment l'éducation à la tolérance, d'autre part, un engagement clair et sans nuance des responsables politiques qui peuvent combattre ces reliquats archaïques. Dans ce cadre, si le discours du Pape actuel semble aller dans la bonne direction (enfin!), il faut malheureusement constater que, pas seulement en France, la perspective d'élections poussent les politiciens davantage à la prudence et au calcul qu'à la clarté et à la fermeté.

    Ok la Révolution a aboli le blasphème mais la liberté d'expression, on en fait quoi? Ma réponse est simple. La liberté d'expression est sacrée mais curieusement elle est souvent brandie par ceux qui ne penseraient qu'à la supprimer s'ils en avaient le pouvoir, pour véhiculer des idées de haine et d'intolérance même parfois "habillées" d'un pseudo-humour. Liberté d'expression ne veut pas dire permis d'agression ou de diffamation.

    "On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui" disait Pierre Desproges et combien il avait raison!

     







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  • Fait vraiment pas bon être allemand et pratiquer le ski en ce moment. Après Schumacher et sa terrible chute il y a quelques jours, nous venons d'apprendre que la brave chancelière germanique vient, elle aussi, de faire les frais d'une perte de stabilité, à ski de fond semble t-il.

    Je vais essayer de ne pas agiter trop de lieux communs nationalistes, mais franchement sans souhaiter de mal à personne, je ne suis pas ému, ni par l'un ni par l'autre.

    Tout d'abord, des accidents de ski entrainant des blessures graves avec parfois des séquelles physiques ou neurologiques durables ou définitives, et même des décès, il y en a malheureusement des centaines chaque année dont personne ne parle quand il ne s'agit ni d'un puissant, ni d'un champion.

    Et pourtant, entre une star des médias qui aura à sa disposition les meilleurs médecins, les meilleurs traitements de rééducation et les meilleures conditions de reprises de sa vie normale et un pauvre citoyen moyen obligé de se débattre avec les limitations de sa mutuelle ou de sa couverture accident, obligé de renoncer à des soins ultérieurs pour conserver son travail ou pour reprendre sans trop de casse, ses études, devinez à qui va ma sympathie....

    Et puis m. je n'ai jamais aimé Schumacher. C'était un pilote dangereux pour les autres, en tout cas pour ceux capables de le battre. Combien de fois, n'a t-il pas risqué de causer un accident en course, parce qu'il n'acceptait pas l'éventualité d'un dépassement?

    Quand à Mme Merkel, là encore, je n'ai guère de sympathie. En tant que citoyen européen, je lui attribue, à elle et à son intransigeance,  une bonne partie, non pas de la crise financière et en tout cas pas de ses causes, mais de la grave régression sociale qui en découle en Europe. Certes, tous les pays qui ont vécu au dessus de leurs moyens sont responsables d'endettements insupportables aujourd'hui mais d'une part, c'est l'Allemagne la première qui est sorti de cette fameuse limite des 3% de déficit public (pour financer la réunification), d'autre part la remise en ordre des comptes publics devait-elle se faire au prix de la remise en cause des droits sociaux et de la dérégulation du Travail?

    Donc, tout ça pour dire que si je souhaite sincèrement que Schumacher s'en sorte sans séquelles et que Mme Merkel retrouve au plus vite son agilité habituelle, je pense qu'il y a des tas de sujets plus importants et des tas de situations individuelles plus dramatiques.

     


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  • Je déteste ces images télévisées du passage de l'année où des millions de personnes plus ou moins ivres semblent débordées de joie à la simple idée de compter la minute de plus qui vous fait passer d'une année à l'autre.

    Si encore, une année nouvelle, une année de plus, signifiait assurément une progression sociale, matérielle ou une satisfaction garantie, mais non bien au contraire, les classes moyennes continueront à s'appauvrir, les pauvres à décrocher, les chômeurs à perdre espoir  de retrouver un travail, bref, la routine catastrophique que nous connaissons depuis plusieurs années déjà!

    C'est donc paradoxal de voir autant de jeunes dans ces instants de fête aussi artificielle qu'injustifiée. Vous allez me dire, tout est bon pour s'évader ne serait-ce qu'un instant de cette triste réalité, ok boire et s'amuser ou croire s'amuser, tous les jeunes font ça mais là, le premier de l'an, c'est un tout autre contexte, comme si ces millions de jeunes sans perspectives ne comprenaient pas qu'ils saluent un mode de vie, un type de société, un environnement économique qui causent leur perte jour après jour sans trève!

    Où sont donc partis l'esprit critique de la jeunesse, sa capacité d'évaluer sa propre situation, sa capacité de se mobiliser, sa capacité de résister? Pour un héritier de la génération 68, penser que la perspective d'une nuit blanche alcoolisée, a fortiori inscrite dans un contexte antisocial terriblement brutal, suffit à faire perdre la tête à toute une jeunesse est plus que décevant, tout simplement désespérant!

    Passer de "soyez réaliste, demander l'impossible!" à ces images de folie collective alcoolisée, c'est tout le résumé du recul saisissant de notre société au cours de ces 30 dernières années dans tous les domaines et en particulier en matière de solidarité, de mobilisation sociale et tout simplement d'intelligence!

    Bonne année quand même!

     


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